1913 - France-Ecosse

samedi 4 janvier 2020 par Jean-Luc

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Shocking !!
Match France-Écosse ce 1er janvier 1913 : la police à cheval intervient pour contenir la foule venue demander des comptes à l’arbitre anglais...
Pour rappel, la France est invitée dans le tournoi depuis 3 ans seulement et a obtenu sa première victoire contre ces mêmes écossais lors du Tournoi de 1911. 25 000 spectateurs sont présents, un record, persuadés qu’ils vont assister à un nouvel exploit du XV de France...
La méconnaissance des règles de la majeure partie du public, l’attitude arrogante de l’arbitre anglais et la raclée infligée au Français aboutissent malheureusement à un envahissement du terrain par une foule vengeresse et un arbitre contraint de regagner les vestiaires sous protection policière. Il sera même « exfiltré » discrètement par une porte dérobée pour échapper à la colère des supporters qui l’attendent à la sortie du stade.
Les Écossais prendront excuse de ces heurts pour rompre les relations entre les deux pays et la France est exclue du Tournoi de 1914. Elle sera réintégrée en 1920, pour le premier Tournoi d’après-guerre.
Ci dessous les extraits des journaux L’Auto et Excelsior parus le lendemain du match.

L’AUTO du 2 janvier 1913

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L’Auto
du 2 janvier 1913 - p. 1

Gallica

LES GRANDS MATCHES DE FOOTBALL RUGBY

L’ÉCOSSE bat la FRANCE

Première mi-temps. — ÉCOSSE : 8 points ; FRANCE : 3 points
Deuxième mi-temps. — ÉCOSSE : 21 points ; FRANCE : 3 points

Les Écossais ont pris une complète revanche de leur défaite de Colombes, grâce à leurs lignes arrières qui dominèrent les nôtres. – Nos avants ont joué une très belle partie. – L’arbitrage de M. Baxter fut copieusement sifflé et il fallut recourir à la force armée pour le soustraire à la fureur d’un millier de spectateurs.

Ah ! qu’on est fier d’être Français !

Hier, comme chacun de vous, je m’en fus voir de match France-Écosse. Comme chacun de vous, j’avais gardé le souvenir de la victoire de la France sur les Écossais par 16 points à 15, il y a deux ans, et, si l’année suivante, nous avions pris en Écosse une « pipe » qu’il n’est pas exagéré de qualifier de forte taille, on pouvait croire que nous avions tout de même, les années aidant, accompli quelques progrès.
Nous avons été, hier, battus par 21 points à 3, d’où il faut conclure que le rugby ne s’apprend pas du jour au lendemain, mais bien au prix de longues années de persévérance, de sagesse et, oserai-je dire, de modestie.
Est-ce à dire encore que les résultats d’hier doivent provoquer chez nous un découragement complet et définitif ? Point du tout. Autant que mon incompétence peut me permettre de le dire, il m’a semblé que nos nationaux avaient bien joué, avec peut-être un peu de « cafouillage, » vers le milieu, mais avec une fin très remarquable.
Par conséquent, travaillons, mes amis, travaillons encore, travaillons toujours, c’est le fond qui manque le moins, et vous verrez que la forme, qui manque le plus, finira par arriver.
Mais là où je n’ai pas regretté mon déplacement, c’est lorsque, j’ai vu quelques centaines de spectateurs, la partie finie, se précipiter sur l’arbitre et se mettre en devoir de le « cabosser » un peu, pour lui apprendre à favoriser un peu moins les Écossais. Et je n’ai pu m’empêcher d’admirer la vaillante cohorte des officiels, renforcée d’ailleurs de quelques joueurs de l’équipe française qui arrivèrent à s’interposer et, sans doute, à recevoir quelques-uns des horions destinés à ce personnage officiel.
Qu’allaient-ils faire dans cette galère ? et ne valait-il pas mieux laisser cet honorable arbitre aux prises avec les deux ou trois cents sportsmen qui, le poing sous le nez, lui demandaient quelques explications ?
C’est devant de semblables spectacles qu’on se sent fier d’être Français, et vous auriez été mal venus hier, en essayant de faire comprendre au public qu’à un arbitre d’une incompétence ou d’une mauvaise foi aussi parfaite, on ne donne pas l’avantage d’un acte de violence et qu’on doit, se contenter de demander à l’Angleterre de ne plus nous en envoyer de cet acabit.
H. Desgrange.

LES ÉCOSSAIS EFFACENT LEUR DÉFAITE DE COLOMBES

Le quatrième match international entre la France et l’Écosse, s’est joué, hier, au Vélodrome du Parc des Princes, par un temps à souhait, devant 25 000 spectateurs.
Les Écossais ont complètement effacé, aux yeux de leurs compatriotes, le souvenir de leur défaite de Colombes, il y a deux ans, en triomphant des Français par 21 points (5 essais, Stewart 3 et Gordon 2 et 3 buts Turner), à 3 points (1 essai Sebedio).
Ainsi qu’on en lira plus loin les détails, après la rencontre, une scène des plus regrettables s’est produite. Des spectateurs, furieux de la manière dont M. J. W. Baxter, de la Rugby Union d’Angleterre, avait tenu le sifflet, l’ont entouré, menacé, tentant de le frapper. Il a fallu faire appel à des agents, voire à des gardes municipaux à cheval pour protéger la rentrée au vestiaire de M. J. W. Baxter.
C’est la première fois que semblable fâcheux incident se produit sur un de nos terrains. Tous les véritables sportsmen le regretteront avec nous.

AVANT LE MATCH

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1 1 13 rugby Parc des Princes

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Les portes du Vélodrome ouvraient à une heure et, dès midi, il y avait déjà des fanatiques qui faisaient la queue aux populaires pour s’assurer des places au premier rang. A deux heures, c’était, autour du Vélodrome, une extraordinaire animation. A la porte Molitor, six ou sept tramways attendaient à la suite les uns des autres, de pouvoir entrer dans Paris tellement était grand l’encombrement produit par les taxi-autos et les autobus amenant des spectateurs.
Aux portes du Vélodrome, c’était la cohue, une inimaginable cohue. Bientôt, aux populaires, on fut dans l’obligation de fermer les portes. Il n’y avait plus possibilité de loger un spectateur de plus. Comme on s’en doute, le record des spectateurs présents à un match a été battu de loin. Les organisateurs estiment, en effet, à vingt-cinq mille le nombre des personnes présentes.
Au pesage, jamais on n’a vu tant de monde ; comme, en attendant le coup d’envoi, on discute ferme sur l’issue de la rencontre, c’est à peine si les cuivres de la musique du 28e régiment d’infanterie parviennent à dominer le tumulte. Aux places réservées, plus une chaise de libre et, là aussi, on est également forcé de fermer le guichet.
A 2 h. 25, les Écossais, précédés d’un bagpiper – un joueur de cornemuse – entrent sur le terrain aux lents accents du God Save The King. C’est un lot de quinze beaux gaillards, fort à leur avantage dans leurs jerseys bleus, frappés du « Shamrock » national. Les Français suivent pendant que la Marseillaise se fait entendre. En maillots blancs, frappés des anneaux de l’U.S.F.S.A., surmontés du coq gaulois, nos compatriotes paraissent plus minces et plus petits que leurs adversaires.
2 heures 30 ! M. J. W. Baxter siffle le coup d’envoi avec une rigoureuse exactitude, cependant qu’au pesage on arrive toujours.
On trouvera plus loin le compte-rendu détaillé de la rencontre.

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L’équipe de France
Le 1er janvier 1913, de gauche à droite, debout : Marcel LEGRAIN(R.C.F.), Jean SÉBÉDIO (Tarbes), François-Xavier DUTOUR (S.T.), Jean-René PASCAREL(T.O.E.C.), Fernand FORGUES (A.B.), Paul MAURIAT (F.C.L.), Hélier THIL (S.N.U.C.), Pierre MOUNICQ (S.T.), Maurice LEUVIELLE (S.B.U.C.).
Assis : Pierre JAURÉGUY (S.T.), Marcel BURGUN (R.C.F.), Gaston LANE (R.C.F.), Julien DUFAU (S.B.U.C.), Jean SENTILLES (S.T.), Maurice HEDEMBAIGT (A.B.).

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LES ÉQUIPES
Les équipes se présentèrent sur le terrain comme il était indiqué avec, dans l’équipe d’Écosse, A. W. Angus, des Watsonians, remplaçant de la dernière heure de J. L. Boyd, de l’United Services F.C.

FRANCE
Arrière : F Dutour (S. Toulousain).
Trois-quarts : Dufun (Stade Bordelais U.C.), G. Lane (R.C.F., capitaine), J. Sentilles (S. Tarbais), P. Jauréguy (S. Toulousain).
Demis : Hedembaigt (Aviron Bayonnais), M. Burgun (R.C.F.).
Avants : P. Mauriat (F.C. de Lyon), Pascarel (Toulouse Olympique E.C.), J. Sebedio (S. Tarbais), H. Thil (Stade Nantais U.C.), G. Leuvielle (Stade Bordelais U.C.), M. Legrain (R.C.F.), Mounie (S. Toulousain), F. Forgues (A. Bayonnais).

ÉCOSSE
Arrière : *W. M. Dickson (Oxford University).
Trois-quarts : W. R. Sutherland (Hawick), R. E. Gordon (Woolwich), *A. W. Angus (Watsonians), W. A. Stewart (London Hospital).
Demis : *E. Milroy (Watsonians), *A. W. Gunn (Royal High School).
Avants : *F. H. Turner (Liverpool), *C. M. Usher (United Services), *D. M. Bain (Oxford University), *P. C. Blair (Cambridge University), *D. D. Howie (Kircaldy), *C. H. Abercrombie (United Services), G. Ledingham (Aberdeen), A. Mc Dougall (Greenock Wanderers).
Les astérisques indiquent les anciens internationaux.

LA PARTIE CHRONOMÉTRÉE
Voici le chronométrage, de la partie :
2 h. 30 : Coup d’envoi à l’Écosse.
2 h. 41 : 1 essai Sebedio.
2 h. 46 : 1 essai Stewart.
2 h. 47 : 1 but Turner.
2 h. 48 : 1 essai Stewart.
3 h. 10 : Mi-temps.
3 h. 15 : Remise en jeu, coup d’envoi à la France.
3 h. 31 : 1 essai Gordon.
3 h. 32 : 1 but Turner.
3 h. 51 : 1 essai Stewart.
3 h. 53 : 1 essai Gordon.
3 h. 54 : 1 but Turner.
3 h. 55 : Fin du match.

LES CAUSES DE LA DÉFAITE

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L’équipe d’Ecosse
le 1er janvier 1913
Debout : Arbitre de touche, Alexander GUNN, William STEWART, Walter DICKSON, John MC DOUGALL, Patrick BLAIR, David BAIN, Charlie USHER, Eric MILROY, George LEDINGHAM.
Assis : David HOWIE, Alexander ANGUS, Freddie TURNER (cap.), Cecil ABERCROMBIE, Roland GORDON, Walter SUTHERLAND.

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J’avais hier conclu à la victoire de l’équipe écossaise en indiquant que le facteur le plus important de ce résultat probable à mon avis, devait être la maitrise des avants d’Écosse sur les avants de France. J’escomptais une tactique de formidables dribblings, je voyais souvent les Écossais tournant la mêlée, je croyais à la supériorité des défenseurs du « Chardon » à la touche.
Et bien, j’avoue que rien de tout cela ne s’est réalisé. C’est avec la tactique que je me permettais de conseiller aux nôtres, c’est grâce à des offensives en passes, bien déclenchées chaque fois que le ballon était contrôlé par leur mêlée, aussi par d’heureuses et habiles interceptions de certaines passes de nos trois-quarts, c’est au jeu ouvert que les Écossais doivent leur triomphe.
Il est évident que la tactique des Écossais de jouer l’ouverture et les attaques en vitesse avaient été prévues par les hommes qui choisirent le team. On nous a battu avec nos propres armes !
On nous a battu par notre faute, parce que nous avons eu le tort immense de vouloir constituer une équipe formidable en défense. Nos sélectionneurs – encore que je ne sois pas dans le secret des dieux – se sont trop souvenus d’Inverleith. Certes, ils eurent raison de vouloir un « paquet » d’avants composé d’hommes solides, résistants, ne craignant pas les arrêts de dribblings, et, sur ce point, on ne peut critiquer, leur choix fut bon. Derrière nos avants, qui eurent le contrôle du ballon autant que les Écossais dans la première mi-temps, quinze fois contre cinq fois aux avants adverses dans la seconde mi-temps – en ne comptant que les sorties de mêlées franches et nettes – nos lignes arrières furent, dans l’ensemble, le point faible.
Ce sont nos lignes arrières qui sont responsables de la défaite. Nos avants ont merveilleusement joué ; ils dominèrent très souvent les avants adverses, donnèrent le ballon à Hédembaigt en de nombreuses occasions, mais les attaques en passes déclenchées par le Bayonnais échouèrent toujours aux ailes. D’autre fois, des attaques écossaises passèrent sur un des centres et souvent des interceptions se produisirent qui, deux fois, amenèrent l’essai.
Ajoutons à cela la faiblesse véritablement inattendue de notre arrière Dutour sur l’homme qui fut également la déterminante de deux autres essais.
Ainsi se vérifie une fois de plus – en rugby comme sur un champ de bataille – que la tactique défensive, uniquement défensive, est néfaste neuf fois sur dix. Les attaques individuelles qui nous permirent de triompher à Colombes n’ayant pu se produire faute d’hommes très vites et très puissants aux ailes, nos adversaires, presque battus en mêlée, ayant au contraire des lignes arrières très mobiles et très perçantes, traversèrent nos lignes aisément Chaque fois que le ballon fut entre les mains de leurs trois-quarts.
Avec Failliot à une aile, à son défaut André ; avec Lesieur à l’autre aile, peut-être le sort du match-eût-il été tout autre. J’insiste sur le gros handicap que nous a causé l’absence de Failliot ; sélectionné, s’il avait été là hier à la place de Dufau, je crois que deux ou trois fois au moins il n’aurait pas été loin de l’essai. Regrets superflus, Failliot n’était pas là, mais les Écossais avaient Stewart. Quel beau duel de vitesse nous avons perdu entre ces deux remarquables sprinters !
Vais-je tirer une conclusion de notre défaite ? Nos sélectionneurs me pardonneront mon audace. Au surplus, je les sais trop avertis des choses du rugby pour qu’ils ne soient pas les premiers à s’être rendus compte de notre faiblesse. J’ose cependant leur conseiller de modifier profondément — de chambarder même, qu’ils me passent l’expression — les lignes arrières de l’équipe de France s’ils veulent nous éviter à Bordeaux contre les Springboks, le 11 janvier, une défaite encore plus cuisante, que celle d’hier.
Au bloc de nos avants, ne touchez pas. Il fut hier glorieux.

COMMENT ILS ONT JOUE

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L’Auto
du 2 janvier 1913 - p. 3

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J’ai tenté de dégager dans ses grandes lignes les causes de notre défaite. Examinons maintenant comment les joueurs se sont comportés.
J’ai dit que nos avants avaient été excellents. Ils ont joué une partie qui leur fait le plus grand honneur. Tous poussaient bien dans la mêlée, y prenant rapidement leur place ; leur talonnage était bon et donnait souvent le ballon à Hedembaigt. Dans le jeu ouvert, leurs arrêts de dribblings furent souvent, bien exécutés et toujours courageusement tentés. Forgues fut le meilleur du lot, sachant se détacher vivement de la troisième ligne pour aider au travail du demi. Il eut quelques arrêts sur des Écossais qui n’étaient pas dans une musette !
Après Forgues, je citerai particulièrement Sebedio, qui a gagné ses galons d’international ; puis encore Legrain, dont l’activité fut grande, encore qu’il ait été touché à la figure dès le début de la lutte.
La paire de nos demis fut presque parfaite. je dis : presque parfaite. Hedembaigt ayant, certes, fait un travail formidable, aussi bien à l’attaque, où sa passe partait précise, qu’en défense ; mais il fut parfois lent à se saisir du ballon sortant de la mêlée et il fut cause de deux ou trois coups francs par des hors-jeu faciles à éviter. A-t-il dans le jeu ouvert l’activité de Larribau ? Je ne le crois pas. J’estime que l’ex-Périgourdin est un joueur moins brillant, mais plus complet que le Bayonnais.
Burgun, à l’ouverture, fut, avec Stewart dans le camp écossais, un des deux meilleurs hommes sur le terrain. En attaque comme en défense, Burgun fut partout au premier rang. Nous l’avons vu tenter ou exécuter les choses les plus remarquables qu’il soit possible de réaliser sur un champ de rugby avec un sang-froid, une maîtrise, un juste sentiment de la situation dignes d’éloges. Il eut un essai de but sur coup tombé qui a bien failli nous valoir quatre points. A plusieurs reprises, il vint doubler un trois-quart et s’intercaler dans la ligne au moment exact, à l’endroit précis où il fallait qu’un homme fût là. Quel beau joueur ! Quel beau tacticien !
Nos trois-quarts furent, avec l’arrière, nos divisions faibles.
Sur l’aile, Sentilles-Jaurréguy, il n’y a pas de grosses critiques à faire. Les hommes ont fait et bien ce qu’ils devaient faire, mais l’ailier manque d’une qualité indispensable à ce poste : la vitesse, et, dans la deuxième mi-temps, il eut quelques fâcheuses réceptions de passes.
L’aile Dufau-Lane fut le trou de l’équipe. C’est par là que Stewart est passé deux des trois fois qu’il est allé à l’essai, et la troisième fois c’est sur une passe de Burgun à Lane qu’il réussit l’interception d’où vint son troisième essai. Dufau fut nettement inférieur à sa réputation, mais il peut objecter qu’il ne fut guère favorisé par le jeu de Lane.
Lane a joué un match qui a désappointé ses nombreux et fidèles partisans. A certains moments il fut digne de sa grande réputation ; à d’autres, il fut nettement inférieur à lui-même, surtout lorsqu’il passait à l’attaque.
Dutour eut quelques beaux coups de pied qui trouvèrent la touche, mais on peut les compter. Sur l’homme, il n’a pas fait un arrêt ! Et deux fois il s’est laissé prendre à des feintes de passes et ces deux fautes nous coûtèrent deux essais, dont un fut transformé. Huit points de moins contre nous. Où est Dutour des matches internationaux de l’an dernier ?
Aux Écossais maintenant.
A l’arrière Dickson, un homme extraordinaire, qui ne fit pas une faute. Ses arrêts furent secs et précis et ses coups de pied formidables de précision, toujours très longs, trouvèrent invariablement la touche en bonne place.
Les trois-quarts écossais furent la force du team. Adroits, perçants, s’entendant bien, l’homogénéité de la ligne fut bonne. L’aile Stewart-Gordon — celle qui était opposée à Dufau-Lane - fut cependant meilleure que celle Angus-Sutherland. Stewart fut l’homme le plus, vite sur le terrain, c’est certainement l’égal de Failliot, peut-être même le battrait-il sur 100 mètres ; comme adresse, l’Écossais ne craint pas un rival.
Les demis Milroy et Gunn furent très bons. A la mêlée, Milroy tint son rôle au mieux, ne craignant pas cependant de s’exposer à être pris hors jeu. Gunn eut des ouvertures faites vite et bien, encore que Burgun eut souvent le talent de les étouffer dans l’œuf.
Les avants n’ont pas montré la supériorité qu’on en attendait et ils ont joué une partie simplement honorable étant donne leur réputation. Ils ne purent évidemment se mettre en pleine valeur de par la belle défense de nos avants. Leurs dribblings ne furent dangereux qu’à deux ou trois reprises.
Paul Champ.

LA PARTIE

Le coup d’envoi est sifflé à 2 h. 30 précises. L’Écosse joue côté du grand virage et donne le coup d’envoi. De suite les visiteurs descendent et mettent la défense française, à l’ouvrage. Dutour doit toucher dans ses buts. Renvoi, puis mêlée. Les trois-quarts écossais ouvrent, mais les nôtres, ne laissent rien passer : deux coups francs pour l’Écosse, puis enfin notre territoire est libéré par une belle échappée de Dufau.
Burgun manque de peu un drop goal, puis notre jeu se précise un peu après l’avalanche.
Au centre, une mêlée vaut à l’Écosse un nouveau coup franc sans résultat. Lane, sur une mêlée à l’avantage des Écossais, charge et passe à Dufau qui donne un coup de pied à suivre. Dickson dégage au centre où une mêlée est sifflée sur la touche qui suit. Le pack français tourne habilement et la troisième ligne part en dribblant avec Forgues en tête. Ce dernier ramasse la balle, évite deux avants, puis sur le point d’être mis à terre, passe à Lane qui continue le mouvement d’offensive et met Sentilles en possession du ballon. Jaurreguy, qui a reçu en dernier lieu, conduit alors une charge impressionnante, puis arrivé devant Dickson, d’un petit coup sur le genou il lance la balle par-dessus l’arrière écossais. Malheureusement elle sort en touche à 5 mètres des buts. Mêlée au bénéfice de Pascarel, qui cueille la balle. Hédembaigt passe à Burgun. Notre demi d’ouverture donne un coup de pied trop long, qui permet à Dickson de toucher derrière sa ligne de but.
La France marque

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Essai de Sebedio
« Le Plein Air » - 13-01-1913

L’arbitre siffle une mêlée sur le coup de renvoi, pour en-avant sur le ballon. Mêlée. Hédembaigt, trop vif, fait pénaliser notre équipe d’un coup franc pour off-side. Du camp écossais, le jeu se trouve ainsi reporté au centre où, à défaut peut-être d’une grande science, les nôtres tout comme les Écossais, nous font admirer une exhibition complète de tous les cafouillages possibles en rugby. Les hommes se marquent impitoyablement, et quelques plaquages sont particulièrement secs. Voici enfin une mêlée correctement formée. La poussée écossaise semble enfoncer notre pack. Le talonnage de Pascarel est là cependant pour annihiler la force en mêlée de nos adversaires. Hédembaigt peut alors permettre à Burgun d’ouvrir le jeu sur Lane, qui se débarrasse immédiatement du ballon au profit de Dufau. L’ailier bordelais termine son offensive personnelle par un superbe coup de pied de dégagement, qui trouve la touche à 50 centimètres de la ligne de but écossaise. Les acclamations partent de toutes parts : On ovationne les Français, on les encourage. Voici la touche faite par Hédembaigt. Feinte du petit Bayonnais, qui fait mine d’ouvrir dans « le fond » et passe le ballon à Sebedio placé à 1 mètre de lui. Le puissant Tarbais reçoit, s’écroule par-dessus deux avants écossais, et marque au milieu d’un enthousiasme indescriptible. Le but est manqué.
France : 3 points.
Écosse : 0.

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Dutour fait un arrêt...
Remise en jeu aux 22 mètres de l’Écosse. Il nous faut noter un joli départ des trois-quarts français, arrêtés par une maladresse. Et voilà une nouvelle mêlée. La sortie si elle est à notre avantage n’est pas très nette, car la poussée adverse est ardente et puissante. La troisième ligne sort la balle trop violemment et celle-ci glisse dans les mains de notre demi. Abercrombie arrive alors en pleine vitesse et la conduit au pied, vers les buts français, à 10 mètres de Dutour, l’avant écossais ramasse, mais il se fait boucler et lâche son ballon. Une mêlée est alors sifflée.
L’Écosse marque
Nous sommes maintenant dans les 18 mètres de la France. Milroy tout comme Hédembaigt en « plein de sang » ; sa trop grande activité a pour résultat cette fois, de le conduire à l’off-side, ce qui, nous vaut un coup franc, lequel n’a d’ailleurs d’autre résultat que d’envoyer le ballon dans les bras de l’arrière, Dickson. Quand je dis les bras, je m’aventure peut-être un peu trop avant... car Dickson manque la réception de la balle. L’arbitre ne sifflant pas, Dickson peut tout à son aise ramasser puis donner tranquillement son coup de pied. Hédembaigt veut recevoir de volée et à son tour manque le ballon. Cette fois l’arbitre siffle la mêlée, près de la touche à 10 mètres de nos buts. Stewart se place alors à l’ouverture, reçoit la passe de Milroy, charge, échappe à l’étreinte de Burgun, d’un coup de reins à la « Dufau » puis après une course agrémentée de crochets, s’en va, poursuivi, par Forgues, marquer entre les poteaux. Turner réussit le but.
Écosse : 5 points.
France : 3 points.
Stewart marque encore
Remise en jeu, touche au centre. Mêlée pour nos couleurs. Hedembaigt fait une passe, trop longue et défectueuse, et Burgun, qui ne peut la reprendre. Lane surgit, ramasse et passe aussitôt à Burgun, qui l’a doublé. L’attaque part alors très nette de notre côté, ce qui a le don d’exalter, en bien s’entend, l’esprit des populaires. Sentilles reçoit à son tour, puis le Tarbais passe à Jaurréguy, qui longe la touche et retourne le ballon à son centre, Sentilles... L’arbitre a vu un en-avant. Et voilà tous nos efforts détruits, par un coup de sifflet, cette fois rapide, et qui va nous coûter 3 points. La mêlée est rapidement formée par les Écossais, qui contrôlent plus rapidement encore la balle. Milroy ouvre immédiatement, et voilà toute la ligne de trois-quarts des visiteurs lancée dans sa course à l’essai. Angus passe à Gordon, qui feinte, passe les centres français et il charge Stewart, le « Failliot » écossais, de continuer l’offensive. Celui-ci s’acquitte d’ailleurs fort bien de sa tâche car, arrivé seul devant Dutour, il laisse notre arrière sur place par une petite feinte et va marquer un essai, que Turner ne transforme pas.
Écosse : 8 points.
France : 3 points.

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La France se reprend
Dès le renvoi, le jeu reste pendant quelques instants cantonné dans les 22 mètres français, qui sont ensuite libérés par un dribbling en groupe de nos représentants.
Nos adversaires, pour ne pas être en reste de politesse, dribblent à leur tour jusqu’à nos 18 mètres, où une mêlée a lieu. Milroy, avant Hedembaigt, vient ramasser le ballon derrière Forgues. Pas de coup franc, nouvelle mêlée et Milroy recommence ; cette fois, c’est un coup franc à notre actif, qui permet à Burgun de sortir le ballon en touche sur la ligne de nos 22 mètres. Mêlée tournée par nos avants. Forgues garde la balle au pied et conduit un dribbling, qui est presque aussitôt « couché » par Gunn. Mêlée ouverte et ouverture sur Dufau, qui est arrêté par Stewart. Coup franc ensuite pour l’Écosse, mérité, car un avant français, pour arrêter, a employé le vulgaire « croc en jambe ». Legrain se rattrape en recevant de volée sur sa propre ligne de but et en dégageant en touche à ses 30 mètres. Mêlée. Milroy, comme par hasard, joue demi derrière la mêlée française. Comme Hedembaigt veut s’interposer, un plaquage précis empêche le Bayonnais de parlementer. Cela nous vaut un coup de pied franc, qui ne donne d’ailleurs pas de résultat appréciable. Nos avants, admirables d’entrain dans l’attaque, de courage dans l’arrêt sur les hommes, tout comme sur les dribblings, repartent, avec la balie au bout de leurs bottes. En groupe ils descendent tout le terrain ennemi par Forgues et Sebedio, jusque sur les 22 de l’Écosse, où ils sortent, en touche.
La défense écossaise à l’ouvrage
Mêlée qui nous vaut un coup franc (jambes levées). Dutour tente le but sur coup tombé et le manque. Le ballon roule. Angus, au lieu de le jouer au pied, veut le ramasser, et permet ainsi à Lane d’effectuer un joli plaquage. Mêlée à 10 mètres des buts de l’Écosse. Nos avants s’assurent le contrôle de la balle. Lane charge, passe à Dufau, qui semble aller à l’essai, mais est plaqué à un mètre du but. Nouvelle mêlée, nouvelle sortie pour Hedembaigt ; toute notre division d’attaque, bien lancée par Burgun, s’ébranle.
Jaurréguy est démarqué, est-ce enfin l’essai tant désiré ? Non, car l’ailier toulousain, en avant de Sentilles, ne peut pas prendre la passe que lui fait son centre. Sutherland arrive en vitesse, dribble jusqu’au centre, où le jeu reste cantonné.

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Milroy est partout
Le petit demi écossais est véritablement merveilleux, tant dans l’attaque que dans la défense. Son activité à la mêlée est particulièrement remarquée. Une sortie à notre avantage et Burgun part du côté fermé. Le racingman termine son mouvement personnel par un coup de pied, qui trouve la touche aux 40 mètres de l’Écosse.
Les avants écossais, de la touche, s’en vont en dribblant, un peu fort pourtant, car Dutour ramasse mais, gêné dans ses mouvements, son coup de pied ne gagne pas de terrain. Touche au centre. En avant, mêlée, puis off-side d’Edembaigt. Turner, des 45 mètres, tente le but, Forgues reçoit et retourne la balle en touche. Et c’est la mi-temps.
Cinq minutes d’arrêt
Les deux équipes restent sur le terrain. En même temps que les citrons, les capitaines reçoivent les conseils d’usages, puis les hostilités reprennent.
Dès le coup d’envoi, un en-avant, est sifflé. Mêlée au centre pour Edembaigt. Et Burgun ouvre très utilement pour son équipe. Sentilles, au centre, charge droit, feinte à gauche, passe à droite à Jaurréguy, qui n’est arrêté que dans les 22 mètres adverses, poussé en touche par Suthertand. La touche n’est pas faite régulièrement et la mêlée qui suit donne encore l’avantage de la sortie pour la France.
Burgun lance sa ligne, mais un coup de sifflet de l’arbitre l’arrête.
Qu’est-ce donc ? On ne le saura jamais... Coup franc pour l’Écosse. Je vous laisse juge des cris qui partent du public, quelque peu énervé des décisions de l’arbitre. L’Écosse, sur le coup de pied franc, sort en touche aux 22 mètres.
Des maladresses...
De là, les avants écossais conduisent en vitesse un dribbling impressionnant. Sentilles, dans son territoire, ramasse non moins en vitesse et dégage à ses 40 mètres. La tactique du dribbling est de nouveau employée par le pack des visiteurs. Burgun, très courageusement, arrête en se couchant sur le ballon. Une mêlée et Burgun, au lieu d’ouvrir à ses trois-quarts, cherche la touche, qu’il ne trouve pas. Dickson reçoit et dégage. Le jeu est de plus en plus vif, entrecoupé de coups de sifflets dont on ne comprend pas très bien la signification. La foule se montre de plus en plus houleuse envers le referee.
Enfin – c’est le dixième peut-être – un hors-jeu énorme des demis de l’Écosse est pénalisé d’un coup franc. Burgun trouve une touche splendide à 20 mètres des buts écossais. Mêlée. Une attaque des nôtres échoue sur Lane, une seconde échoue encore, sur le capitaine qui, décidément, se montre bien maladroit. Le jeu revient maintenant sur la ligne des 50 mètres, où un coup franc pour l’Écosse est sifflé. Sentilles reçoit et trouve une mauvaise touche.
Battus en lignes arrières
L’Écosse, maintenant plus souvent maîtresse de la mêlée, ouvre à outrance sur ses trois-quarts, dont la précision et la rapidité dans les passes sont très applaudies. Stewart, tel Failliot dans ses plus beaux jours, Charge, repasse à Gordon qui, sur le point d’être arrêté par Mauriat, donne un petit coup de pied à suivre. Lane, bien que chargé très durement, trouve le moyen de marquer de volée. Les charges des lignes arrières écossaises se multiplient, rapides et pressantes. Notre défense veille et ne laisse rien passer. Un coup de pied superbe de Gunn trouve la touche à 50 centimètres de notre ligne de but.
Un peu d’air...
Nos avants et nos demis défendent, centimètre par centimètre, le terrain envahi. On les acclame, et c’est justice. Enfin, un dribbling qui va, semble-t-il, nous libérer, est arrêté par l’arbitre... C’est, un coup franc pour l’Écosse. Dans l’assistance, ça ne va plus du tout... Turner tente le but sans succès. Dans ses buts, Dutour reçoit et dégage en touche sur ses 22 mètres. Mêlée. Départ de Stewart, arrêté ; puis Sentilles, au sortir d’une mêlée, trouve le trou, feinte, passe à Jaurréguy, qui reporte les hostilités dans les 22 mètres adverses.
La contre-attaque
La Thil fait un en-avant. Sur la mêlée qui suit, Sentilles se démarque ; mais son attaque est annihilée par une maladresse de Jaurreguy, bien placé cependant. C’est bien notre veine ! Mêlée. Sortie pour la France. Gordon intercepte la passe, et, d’une foulée puissante, s’en va. Dutour est là qui l’attend. L’arrêtera-t-il ? Non ! car une feinte habile, et le centre écossais passe, et va marquer un essai converti en but par Turner.
Écosse : 13 points.
France : 3 points.
L’essai chauffe
Au renvoi. Trop de précipitation des nôtres. En avant. Mêlée au centre et charge de toute la division arrière écossaise. Stewart va marquer, mais il est passé en touche, à dix mètres des buts. A la touche, Edembaigt passe à Forgues, et ce dernier à Mauriat, qui ne reçoit pas. Mêlée à notre désavantage. Le ballon vole de mains en mains jusqu’à Stewart qui le cueille en vitesse. L’ailier est cependant classiquement mis à terre par Dufau, par un bel arrêt aux jambes... Il était temps, car Stewart était démarqué. Mêlée. Mauvaise passes sur places de nos trois-quarts, terminées par un coup de pied, au petit bonheur, qui donne la balle à Dickson, lequel la retourne en touche.
Les coups francs se suivent
Dufau, maladroit par deux fois, arrête notre offensive, et une troisième fois, sur une passe très mauvaise, il faut le dire, de Lane. Un coup franc, et Burgun sort la balle en touche aux 22 mètres de l’Écosse. Mêlée. Plus vite formés en mêlée, les visiteurs obtiennent le contrôle sans résultat, car Angus fait un en-avant qui profite à Hedembaigt, lequel file, démarqué. L’arbitre l’arrête. Pourquoi ? Mêlée. Gunn trouve la touche dans les 22 français. A signaler quelques arrêts irréguliers (croche-pied) à l’actif de l’Écosse, puis Lane touche derrière ses bois.
Arrêt de volée de l’Écosse, sur le renvoi. Turner sort en touche à 10 mètres de nos buts. Dutour, à l’exemple de Lane, touche derrière la ligne.
Hedembaigt, pour mise irrégulière du ballon en mêlée, se fait pénaliser d’un coup franc, alors que le jeu est devant nos buts. Tentative de but qui échoue.

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Musique !
Le jeu devient dur. Un avant écossais prend la tête de Mauriat pour le ballon, et dribble consciencieusement. Résultat : coup franc pour l’Écosse. Cette fois, la rafale passe sur la foule qui hurle son mécontentement. Certains même, amoureux de la musique, entonnent une petite chanson à l’adresse du referee. Les chœurs, assez bien régies, s’arrêtent un instant, car Thurner va tenter un but, sur un coup de pied placé. Le coup de botte est magnifique, le ballon pourtant heurte la barre, cependant que les avants chargent. Dutour reçoit et dégage sur la ligne des 22 mètres. On respire, puis la chorale reprend.
Et l’Écosse marque
Mêlée devant les tribunes, et coup franc pour l’Écosse... On ne les compte plus. Turner déplace sur la droite, où les opérations se tiennent. Quelques séries de passes. L’arbitre, à 40 mètres de là, siffle une mêlée. Hedembaigt passe à Burgun qui lui repasse. « Mastic » se faufile, puis donne le ballon à Mauriat qui descend jusqu’aux 30 mètres de l’Écosse. Mêlée, et voilà les nôtres repartis à l’assaut des buts adverses. Jaurreguy est arrêté in extremis. Mêlée. Burgun, qui a reçu, passe à Sentilles. Ce dernier hésite, s’arrête et veut retourner la passe à Burgun. Malheureusement, entre, lui et notre demi d’ouverture, Gordon s’est intercalé. Le centre anglais charge, évite Dutour, poursuivi par ce dernier et Jaurréguy. A trois mètres de nos buts, le Toulousain saisit Gordon par une jambe et le plaque. A terre, l’Écossais se retourne et adresse le ballon à Stewart, qui arrive en pleine vitesse. Et l’essai est marqué en bonne position. Turner manque le but.
Écosse : 16 points.
France : 3 points.
Le dernier
Au renvoi, mêlée et jolie descente de Burgun, qui passe à Lane, celui-ci a à sa droite trois joueurs démarqués.
L’arbitre arrête la charge et fait faire une mêlée. Dans le camp français, on ne se décourage pas, mais en face les attaques se multiplient. Sur une mêlée ouverte, Gunn charge, feinte et déplace, Angus reçoit, repasse au centre à Gordon, lequel, dans un grand style, va poser le ballon entre les poteaux. Turner transforme sans peine.
Écosse : 21 points ; France : 3 points.
Coup de pied de renvoi, retourné par Abercrombie. Lane reçoit, se fait boucler, puis c’est la fin. L’Écosse a gagné par 21 points à 3.
Et c’est la nuée des populaires vers le pesage. Hélas ! ce n’est pas seulement pour acclamer les joueurs, mais bien pour faire à l’arbitre une... conduite de Grenoble.

Paul Cartoux.

ON CONSPUE L’ARBITRE

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L’arbitre (en costume !) à gauche.

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Durant presque toute la partie, l’arbitrage de M. J.-W. Baxter fut sévèrement critiqué par de nombreux spectateurs. Certaines de ces critiques ne m’ont pas semblé justifiées. Certes, la décision était sévère, la faute vénielle, elle n’en existait pas moins cependant. Le grand défaut de M. Baxter est d’avoir le sifflet lent. Combien de fois ne l’avons-nous pas vu siffler un en-avant sur une passe de nos trois-quarts alors que l’homme qui avait reçu le ballon était déjà loin et s’en était souvent débarrassé.
Cette lenteur énervante fut cause souvent qu’une décision juste en soi devenait critiquable. On ne comprenait pas l’arrêt.
Ne l’avons-nous pas vu aussi siffler et donner un coup franc contre la France devant ses poteaux parce que Sebedio était couché sur la balle. Or, Sebedio touché d’un coup de pied, était presque inanimé. On le soigne, il reprend ses sens. Pendant ce temps Turner tentait tranquillement le but et le manquait d’un cheveu ! Le ballon ayant touché la pointe extrême d’un des poteaux était heureusement pour nous retombé du bon côté.

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M. Baxter
L’arbitre du France-Ecosse 1913

Un arbitre conscient se fût rendu compte de l’incident et eût ordonné une mêlée au lieu d’un coup franc. Sifflé, hué par la foule, M. Baxter eut encore le tort de se retourner plusieurs fois vers les spectateurs des populaires en riant. Il riait évidemment de leur incompétence à comprendre qu’il avait, lui, arbitre, le règlement de son côté. Et Dieu sait si M. Baxter l’appliquait implacablement, ce règlement, tout en suivant souvent de trop loin les phases du jeu. Ce fut encore une des causes de l’exaspération d’une partie des spectateurs.
A peine le match était-il terminé que la foule se ruait vers l’arbitre revenant tranquillement au vestiaire. Heureusement le cas avait été prévu : des agents étaient massés pour protéger l’arbitre le cas échéant, précaution qui ne fut pas inutile.
Cependant, avant que les agents eussent pu intervenir, M. Baxter était entouré et menacé. Cinq ou six équipiers français, qui se trouvaient à proximité, autant de joueurs écossais, deux officiels de l’Union intervinrent énergiquement. Aidés par les agents, qui frayèrent vigoureusement un chemin, pendant que des gardes municipaux contenaient la foule voulant envahir le pesage, M. Baxter put regagner le vestiaire difficilement, mais sans être touché par les coups de canne ou de poings que des énergumènes tentaient de lui décocher. Seules les personnes qui l’entouraient – j’en étais – reçurent quelques gnons. J’en reçus pour ma part deux bien sentis.
Au bout d’une demi-heure d’attente, toujours très entouré, M. Baxter quittait quittait le vélodrome dans l’auto de Pierre Failliot. Un millier de manifestants l’attendaient encore.
Déçus de ne plus pouvoir conspuer M. Baxter, les manifestants rentrèrent dans Paris par la porte Molitor, puis par la rue Mozart, l’Étoile, les Champs Élysées et les grands boulevards, toujours en manifestant contre l’arbitre, vinrent devant l’Auto, si bien qu’il fallut un service d’ordre pour rétablir la circulation dans le faubourg Montmartre.
Une délégation des manifestants vint même nous exposer les griefs soulevés, nous dit-on, par la scandaleuse partialité de l’arbitre.

LE BANQUET

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Revue « Le Plein Air »
du 13 janvier 1913

A l’issue du grand match international, un banquet, fut donné au Palais d’Orsay, sous la présidence de M. Heymond, sénateur, qui prononça un magistral discours – banquet auquel assistaient les deux équipes et de nombreuses personnalités sportives – de nombreux toasts y furent portés. Après les santés portées au roi d’Angleterre et au président de la République, M. Ch. Brennus, président de la Commission Centrale de l’Union, prit la parole et sut se faire applaudir. M. Malaray, chef de cabinet du préfet de la Seine, parla du rugby en homme qui y a joué naguère. Puis, on entendit les capitaines des deux teams, G. Lane et F. H. Turner.
A M. A.H. Muhr échut la mission de porter la santé de l’arbitre. Il le fit en les termes qui convenaient, marquant combien les sportsmen impartiaux réprouvaient la déplorable manifestation qui avait marqué la fin du match. Dans sa réponse, M. Baxter déclara qu’il avait la satisfaction de pouvoir constater qu’aucune de ses décisions n’avait été critiquée par les joueurs. « Et cela me suffit, ajouta-t-il, pour oublier le petit « excitement » de la fin ».
Et vers les onze heures, ce fut l’envol des joueurs écossais pilotés par les nôtres vers les hauteurs de la butte sacrée. – Paul Champ.

UN RECORD BATTU

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Le record du monde des spectateurs n’a pas seulement été battu hier, un autre le fut également : celui de la recette. Elle s’est élevée exactement à 41 402 fr. 50.

RÉFLEXIONS

PAR Marcel COMMUNEAU (ex-capitaine de l’équipe de France)
Obligé de rester sur la touche, je dois tout d’abord avouer que l’angle sous lequel on voit une partie de football est bien différent comme acteur et comme spectateur. Étudions d’abord, si vous le voulez bien, l’aspect général de la partie pour examiner ensuite le jeu spécial des deux équipes.
L’ensemble du match fut plaisant à suivre et l’écart de points n’indique pas ce que fut la partie, il indique plutôt la différence de moral et de classe existant entre les deux équipes.
Au début, l’équipe de France, plus vite sur jambes, semble devoir dominer et une bonne action d’ensemble des avants amène le jeu dans le camp des Écossais. Ceux-ci, plus vieux routiers, par ascendance, dans la pratique du jeu, coordonnent leurs efforts et arrivent à remonter le handicap du début. Une ou deux attaques personnelles poussées à fond leur assurent l’avantage. Le jeu se brouille un peu à ce moment de part et d’autre et de trop nombreuses fautes empêchent les attaques les mieux amorcées d’aboutir. Échange de courts dribblings, passes en travers du terrain et longs coups de pied en touche, tel est le jeu des deux équipes pendant la première mi-
temps.
Au début de la seconde, les Français, émoustillés, reprennent l’avantage et semblent devoir marquer. Malheureusement, la maladresse de plusieurs joueurs permet aux Écossais de remonter le terrain et de s’installer pour quelque temps près des buts français. L’énervement s’empare de nos nationaux et j’aperçois avec terreur le cruel affaissement d’un quart d’heure que subit toute une équipe internationale française. Pendant ce malheureux quart d’heure, ce ne sont que coups francs, pour fautes d’énervement de la part des nôtres. Heureusement, les Écossais ne savent pas tirer parti de cette défaillance et le score ne s’élève pas trop en leur faveur. Mais il était écrit que nous serions copieusement battus, car à la fin de la partie, bien que l’équipe de France joue dans les 22 mètres adverses, quelques interceptions heureuses favorisent les visiteurs qui, plus vites que nous, marquent plusieurs essais, plus ou moins réguliers, sur des échappées.
Voyons maintenant les deux équipes et commençons par l’équipe victorieuse.
Arrière sûr et possesseur de bons coups de pied, une aile et un centre moyens, l’autre centre plus personnel, mais perçant et utilisant à merveille une aile rapide et adroite ; un demi d’ouverture très adroit et très bien servi par un demi de mêlée qui fut pourtant un peu trop hors-jeu. Un paquet d’avants honnêtes et très consciencieux sans plus.
L’ensemble très entraîné, bien homogène, adroit et jouant avec beaucoup de tête et de sang-froid. J’ai remarqué notamment la façon, « coup de bélier » avec laquelle un avant brisait la résistance adverse pour permettre ensuite aux autres joueurs, partis d’assez loin derrière, de revenir en groupe passer dans le trou ébauché.
Je n’examinerai pas en détail l’équipe de France me sentant incapable de juger ainsi à brûle-pourpoint mes camarades.
Dans l’ensemble les avants furent bons et actifs assurant convenablement le travail des lignes arrières et s’opposant bien aux attaques de l’adversaire. Dribblings un peu longs et trop individuels, passes à la main un peu à tort et à travers.
La liaison entre les demis fut assez lente à s’établir et leurs départs pas toujours assez droits ni assez secs. Leur défense fut seulement bonne.
En trois-quarts, un côté d’attaque piquant bien droit et se conjuguant bien qui fit une grosse impression. L’autre côté, bon en défense mais jouant sur place et pas assez vite d’où cassure dans l’ensemble de la ligne, cassure qui fut fâcheuse pour nous vers la fin de la partie.
En général, manque de décision et surtout de vitesse, oubli fréquent que la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre et que pour arriver au but adverse le meilleur moyen est de courir vers lui. Les quelques fois où Burgun et Sentilles appliquèrent ce principe, notre équipe ne manqua pas de s’en trouver fort bien.
Quant à l’arbitrage, si discuté, il fut sévère pour les nôtres mais juste, et le seul reproche que l’on puisse lui faire, fut un peu trop de sévérité quand nos joueurs avaient l’avantage. Mais aussi, pourquoi les Français s’énervent-ils autant et font-ils alors tant de petites fautes qui, malgré tout, donnent beaucoup de prises à la sévérité. En résumé, on, peut dire que nous faisons bien, mais qu’il nous manque encore la bonne manière de présenter notre travail, très consciencieux dans l’ensemble.
Et laissez-moi ajouter pour terminer que je suis absolument outré de la conduite du public après le match. Je trouve lâche et écœurant de la part des sportsmen du pays, que l’on assure le plus poli du monde, cette façon de faire vis-à-vis d’un homme qui fit de son mieux et qui avait tant de fautes à siffler.
Enfin, beau match ; nous jouons déjà 60 minutes, quand nous en jouerons 80 nous gagnerons, surtout si nous acquérons ce que les Anglais appellent le « self command ».
Marcel Communeau.

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La Vie au grand air
paru le 11 janv. 1913 - p.26-27

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DANS LA TOURMENTE

« Monsieur, m’avait dit Brennus, la France va, grâce à nous, connaître un succès sans précédent ! Nous avons sélectionné l’Équipe, comme feu Darwin lui-même n’aurait pu le faire et nous nous sommes assurés que l’honorable M. Baxter se montrerait pour nous d’une aimable partialité. » Et, là-dessus, le vénérable Brennus alla s’habiller en Écossais pour donner à la petite fête un impressionnant cachet de couleur locale.

Un essai dans les cinq premières minutes ! C’est fou, c’est inouï ! Jamais personne n’a encore vu ça. Tous les vieux gentlemen de la commission excellent avec un tel entrain que le médecin de service, inquiet, envoie tout aussitôt chercher quelques kilogrammes de bromure. Quant aux populaires, elles entonnent religieusement l’hymne bien connu : « Ah ! les p’tits pois ! les p’tits pois ! » Pourquoi ? On ne le saura jamais... Mon voisin prétend que c’est à cause des Écossais...

Le proverbe qui dit qu’on a tort de rigoler avant que tout soit fini a bougrement raison. Avoir cru qu’on allait avaler les Écossais tout crus, et sentir qu’ils ne veulent pas passer, c’est une impression bien pénible. Heureusement que, lorsque les circonstances sont particulièrement graves, le fameux coup de pied de Lane sauve régulièrement la situation. Ah ! ces hommes choisis par la Commission, il n’y a pas à dire, ils sont un peu là. Mais pourquoi diable les populaires ne cessent-ils de
hurler : « Haro ! haro sur ce Baudet... »

Ce qu’il y a d’admirable dans le public français, c’est qu’il ne s’emballe jamais et qu’il sait, en toutes circonstances, garder une attitude correcte, digne, tranchons le mot, glaciale. Ce résultat admirable est dû, d’ailleurs, aux inlassables efforts de la presse sportive. On a beau dire, ça vous fait tout de même quelque chose de constater combien le public vous comprend à demi-mot et suit vos conseils avec une docilité qui vous tire les larmes des yeux.

Pourtant, on ne peut s’empêcher de trouver que si l’honorable M. Baxter avait vécu du temps des Pharaons — et ce serait souhaitable car nous en serions débarrassés aujourd’hui — l’Égypte aurait compté une plaie de plus, ce qui lui en aurait fait huit bien comptées. Je ne sais si ce gentleman se livre à l’une de ces plaisanteries à froid, si goûtées dans son pays, mais, en tous cas, il arbitre d’une façon assez originale. Si l’Écosse ne lui élève pas, à Édimbourg, une statue en pied — cela s’impose tout particulièrement — c’est qu’au pays de Walter Scott la reconnaissance n’est qu’un vain mot. Nous proposerons, en outre, à toutes les équipes d’outre-
Manche, de fonder une chaire de Baxtériologie, où l’honorable M. Baxter enseignera l’art subtil de jouer le rugby à seize.

A part ça, l’on ne saurait nier que ce M. Baxter, s’il n’est pas un admirable arbitre de rugby, constituerait un merveilleux arbitre des élégances. En ses jours les plus rares, M. de Fouquières, lui-même, n’arbora jamais complets plus prestigieux et bottines plus remarquables. Après le match, M. Baxter veut-il aller demander quelque vierge en mariage, ou ses moyens lui interdisent-ils l’achat d’un sweater et d’une paire de souliers à crampons ?

L’Autriche peut, maintenant, tirer son grand sabre. Après les formidables émotions de cette fin de match, la guerre doit vous sembler, tout juste, une petite farce d’étudiant. Charges de cavalerie — Ah ! pauvre Detaille, que n’êtes-vous encore là, vous et votre pinceau ! — Choc terrible des noires cohortes de M. Lépine et de sportsmen fougueux, commissaire pris en écharpe - la sienne, heureusement ! — rien ne nous est épargné... Pour moi, c’est accroupi derrière le ventre majestueux de Redelsperger que je griffonne à la hâte ces quelques lignes... J’ai recommandé une belle âme à Dieu et j’attends les événements. Mais, c’est égal, mourir à mon âge, c’est bien triste !...
Henry Dispan.

Comme pour tous les matches nationaux, le ballon « Maori » et les équipements « France » pour ce match, ont été fournis par Williams and C°, 1 et 3, rue Caumartin, Paris, et 30, rue Sainte-Catherine, Bordeaux.

APRÈS LA PARTIE
Nos lecteurs pourront voir aujourd’hui à notre salle de dépêches, un superbe panneau représentant les différentes phases du match.
Ces superbes photographies ainsi que celles des deux équipes, sont en vente au prix de 1 fr. 15 franco, a la librairie de l’Auto, 10, faubourg Montmartre.


EXCELSIOR du 2 janvier 2013

LE QUATRIÈME MATCH DE FOOTBALL RUGBY FRANCE-ÉCOSSE

UN ARBITRAGE DÉFECTUEUX provoqua de graves manifestations

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Excelsior
2 janv. 1913

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Les gardes municipaux durent charger pour éviter à l’arbitre d’être lynché par la foule, furieuse de la défaite de l’équipe de France, par 21 points à 3.

Le grand match international Ecosse-France s’est déroulé, hier, au Parc des Princes, devant une assistance nombreuse, qu’on peut, sans exagération, estimer à vingt-cinq mille personnes.
La victoire des écossais, acquise par 21 points à 3, donna naissance à des incidents d’une violence inouïe et qui feront époque dans les annales du sport.
A peine le coup de sifflet final était-il venu mettre fin à la lutte qu’une vague humaine s’échappa de la frêle digue entourant le champ de jeu, bousculant agents et municipaux à cheval, pour se briser en furie sur le groupe des joueurs de chaque nation. Mais ce n’était pas sur les sympathiques adversaires de nos représentants que la colère populaire voulait s’épancher.
Sportsmen de toute nature, qu’ils fréquentent les tribunes ou l’enclos des populaires, avaient été révolutionnés par l’arbitrage parfois scandaleux du referee, M. J. W. Baxter, auquel le International Board de football rugby avait confié la haute mission de diriger impartialement, les évolutions des adversaires.
Nous ne nous ferons pas l’écho des critiques trop nombreuses et injustifiées que le public, parfois ignorant, éleva contre des décisions arbitrales, mais nous disons bien haut, avec, nous en sommes convaincu, l’unanimité des assistants du Parc, notre stupéfaction douloureuse de constater les faiblesses de jugement – pour ne pas dire plus – chez une personnalité qu’on devait supposer digne de l’honneur qui lui avait éfé fait.
Et nous comprenons bien, sans toutefois l’excuser, la colère de la foule, qui vit, à différentes reprises, notre équipe nationale pénalisée contre toute justice, alors que nos adversaires bénéficiaient parfois d’une bienveillance inexplicable.
L’énervement alla grandissant, et ce fut miracle que l’arbitre, libéré de sa tâche, pût se tirer indemne du flot qui l’entourait.
Nos dirigeants, d’ailleurs, craignaient le déchaînement de la rage populaire : M. Brennus, le très sympathique et dévoué président de la commission qui régit le rugby en France, partit quelques minutes avant la fin du match, pour mander les gardes municipaux qui étaient sur le terrain et rappeler au public, par ce déploiement de forces, que, malgré toutes les raisons motivant son mécontentement, il était noble de conserver, sur notre territoire, une attitude correcte envers un
étranger. Il ne fut pas suivi, malgré ses ordres, et, quand les agents se décidèrent à intervenir, il était trop tard. Protégé par quelques-uns de ses nationaux, l’arbitre du match, pâle, terrifié par ce déchaînement de la fureur publique, gagna, sous des huées virulentes et des gestes de menace, le vestiaire, qui lui donna enfin abri. Deux joueurs, Usher et Dougall, avaient au cours de la bagarre, reçu des coups qui ne leur étaient certainement pas destinés.
Pendant ce temps, les charges d’agents continuaient ; les municipaux montés renversèrent plusieurs spectateurs ; un sous-officier de ligne, voulant faire cesser ces trop tardives interventions, saisit un cheval par la bride et se fit, de ce fait, appréhender. Mais la foule exigea, avec une énergie farouche, sa libération immédiate, ce qui fut fait. D’autres arrestations avaient été maintenues.
Pourtant, à la porte, bon nombre de spectateurs attendirent la sortie de l’arbitre, qui parut, très émotionné, entre Lane, Communeau, Failliot, Mauriat, joueurs sympathiques entre tous. Les gardes du corps n’eurent pas à intervenir, car, seules, des huées formidables saluèrent le départ du referee anglais.

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Excelsior
2 janv. 1913 - p.3

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Nous avons dit plus haut nos regrets de ces incidents, mais signalons qu’ils ne sont pas spéciaux aux sportsmen français. Le chauvinisme et l’ardeur de conviction se sont manifestés dans d’autres pays de façon aussi violente.
J’ai souvenance de manifestations semblables survenues en Amérique, à la suite de matches de baseball ; en Angleterre même, des arbitres furent parfois lynchés. Et, pour ne parler que du sentiment chauvin, on se souvient de la partialité révoltante que montrèrent les juges anglais aux Jeux Olympiques de Londres et des incidents anglo-américains qui y prirent naissance. A Stockholm, il en fut de même, et le public siffla souvent, et à tort, ceux qui battirent les représentants de la Suède.
Il faut espérer que toutes ces manifestations, bien humaines, après tout, seront vite oubliées et qu’en tout cas elles attireront l’attention de ceux à qui incombe le soin de faire observer la stricte impartialité et l’autorité dans la direction des matches.
La France avait proposé un certain nombre d’arbitres, qui, tous, furent récusés par le comité écossais ; Baxter nous fut imposé ; il y a tout lieu de supposer que nous ne le verrons plus sur nos terrains de jeu. Notre commission ferait, d’ailleurs, œuvre utile en remettant au Board un dossier circonstancié, qu’accompagnerait une réclamation très nette. Il ne faut pas que de pareilles manifestations, si nuisibles au sport du rugby, se renouvellent, et, pour cela, il ne semble pas difficile d’en supprimer les causes. Que la France montre un peu d’énergie. Elle peut maintenant parler dans le concert des nations sportives, dans lequel l’Angleterre ne peut plus avoir voix prépondérante.
Ces fâcheux incidents sont d’autant plus regrettables qu’ils vinrent gâter une journée qui s’annonçait splendide, car jamais la foule n’avait été si nombreuse, ni si élégante. Aux tribunes et aux chaises réservées, de fort jolies toilettes venaient donner une note gaie à cette foule compacte, on voisinaient les « caps » des nombreux Anglais qui avaient fait la traversée pour assister au match, et les hauts de forme de nos sportsmen.
L’organisation était en tous points parfaite, et de spacieuses tribunes, réservées aux membres de la Rugby Union d’Écosse, à ceux de l’U.S.F.S.A., de même qu’à la presse, avaient été établies.
Nous avons noté, au pesage :
M. Léon Duvigneau de Lanneau, comtes Hubert et Jacques Pourtalès, M. et Mme de Joannis, M. du Gallay, MM. J. de Neuflize, de Morpugo, M. et Mme Swoboda, M. et Mme Gillou, MM. Rancès, Maxwell, Louis Dedet, Maurice Juncker, de Witt, M. Porés, de Irrazaville, comte et comtesse de Maupeou, F.-W. King, MM. Rodocanachi, baron et baronne Ed. Strauss, vicomte de Maupeou, MM. Carroll Mc Graff, de Walner, Sinkewiz, André Espir, R. Grosnier, V. Dollenz, Cagninacci, comte G. Rochaïd, M. Faure-Dujarric, comte Salm, M. et Mme Max Decugis, MM. Germot, Perquel de Biedermann, Lyon, Robert Bernstein, Allan H. Muhr, Geo André, Decamp, Paul Meresse, André et Marcel Large, Maurice Moreau, L.-V. Duval, M. et Mme Lebrun, Mme Bergeyre, M. Conord, etc.

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La foule au pesage

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Ce que fut le match

Nous ne cacherons pas notre satisfaction sur la tenue de nos nationaux durant tout le match. Ils avaient devant eux une équipe de très grande valeur, jouissant d’une parfaite cohésion dans toutes ses lignes et usant de tactiques aussi diverses qu’ingénieuses. A aucun moment, le quinze de France donna, l’idée d’une infériorité très nette.
Pourtant, nos lignes arrières ne furent pas exemptes de tout reproche. Homogénéité insuffisante, vitesse inférieure à la moyenne adverse, et quelques imprécisions dans la passe, furent les motifs de notre défaite. Nos centres manquaient de démarrage, et Jaurréguy et Duffau se trouvèrent moins rapides que les ailiers qu’ils marquaient. Dutour, enfin, qui, sur la balle, ne fit aucune faute, se montra par trop lent.
Nous nous permettons de regretter l’insuffisance évidente des coups de pied de nos trois-quarts. Ni Lane, ni Sentilles ne réussirent à trouver des touches éloignées. On sait pourtant combien cette pratique donne d’excellents résultats : elle est, sur l’adversaire qui attaque, d’un effet démoralisant et soulage les avants, dont le travail colossal nécessite bien quelque repos. Seul, Burgun réussit dans ce sens de très bons exploits.
A côté de ces critiques, nous sommes particulièrement heureux de constater, la merveilleuse exhibition fournie par nos avants. La mêlée tint plus qu’on n’eût osé l’espérer, obtenant, dans la seconde mi-temps, presque constamment la balle, enfonçant le pack adverse et jouant de bout en bout sans aucune défaillance.
Nos adversaires d’Écosse gagnèrent la rencontre par leur homogénéité et leur vitesse. Les deux ailiers débordèrent souvent notre défense et passèrent Dutour avec rapidité. Toutefois, les combinaisons des lignes arrières ne furent jamais dignes d’une mention spéciale, en dehors des deux qualités rappelées plus haut.
En tout cas, malgré la défaite, l’impression causée par l’exhibition de notre quinze fut excellente. En apportant quelques modifications aux lignes arrières, dont les unités procèdent suivant des méthodes d’attaque et de défense par trop différentes, nous pouvons escompter une victoire internationale cette saison. La présence de deux ailiers doués d’une grande vitesse, et surtout d’une puissance extraordinaire, tels Failliot et André, serait à notre attaque d’un appoint très utile.
— ANDRÉ GLARNER.


Comment fut joué le match de rugby France-Écosse

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L’arrivée sur le terrain des joueurs écossais
précédés de leur joueur de cornemuse

Gallica

Nos lecteurs trouveront en page 3 le compte rendu détaillé, et nos appréciations sur le match d’hier. Voici maintenant un compte rendu technique de la partie :
Quelques minutes avant deux heures et demie, les écossais font leur entrée sur le terrain et sont très applaudis. Ils sont précédés d’un cornemusier qui leur fait faire le tour du terrain en jouant des hymnes nationaux, cependant qu’une musique militaire fait entendre le God Save the King.
Quelques instants après, les joueurs français qui par déférence pour leurs hôtes dont le maillot est également bleu, ont revêtu un costume entièrement blanc sur lequel se détache le fier coq gaulois, font leur apparition. Leur entrée sur le terrain des hostilités aux sons de la Marseillaise, est acclamée par la foule.
La partie commence immédiatement, et l’Écosse qui défend le côté du petit virage donne le coup d’envoi. Ce début paraît, devoir être désastreux pour nous, car Forgues ayant manqué la réception du ballon, Duttour est obligé de toucher dans ses buts. Les premières mêlées donnent le ballon aux Écossais, qui ouvrent le jeu sans toutefois parvenir à troubler notre défense.
Leur demi se fait immédiatement remarquer par ses mises en mêlée peu en rapport avec les règles du jeu ; l’arbitre pénalise par contre Hedembaight, qui quelques instants après imite son adversaire direct.
Notre-ligne de trois-quarts enfin bien lancée commence à amorcer quelques belles attaques. Par deux fois Jaurreguy, mis en possession du ballon, s’échappe ; mais son manque de vitesse l’empêche d’aboutir à l’essai. Burgun tente et manque de peu un superbe drop goal. Puis grâce à un excellent dégagement en touche de Duttour, le jeu qui s’était cantonné chez les nôtres revient au centre, et Duffau l’amène par un coup de pied en touche splendide à deux mètres des buts. A la remise en jeu, sur une ouverture de Forgues, Sebedio marque en mauvaise position un essai que Duttour ne peut transformer.
France 3, Écosse 0
De nombreux dribblings merveilleusement exécutés par le paquet compact des avants écossais force les Français à faire des prodiges pour les arrêter. Plusieurs off side passent inaperçus de l’arbitre et le public commence déjà à chanter : « Conspuez l’arbitre ! » Ce qui ne s’arrêtera qu’à de courts intervalles.
Une passe de Sentilles à Hedembaigt est interceptée par Dougall et ce dernier passe à Stewart qui marque entre les deux poteaux un essai que Turner transforme.
Écosse 5, France 3
Après le coup d’envoi, un beau redoublement de passe entre Burgun et Lane ; Jaurreguy et Sentilles, amène le jeu aux 22 mètres écossais. Il n’y restera pas longtemps, car à la sortie d’une mêlée tournée Milroy déclanche bien sa ligne de trois quarts qui part en passes. Sentilles a le tort d’attendre au lieu de se jeter sur son adversaire direct, et le ballon volant de mains en mains arrive à Stewart qui marque un essai non transformé.
Écosse 8, France 3

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Excelsior
2 janv. 1913 - p.8

Gallica

Notre ligne d’avant fait merveille, mais ses efforts ne servent à rien. Elle est arrêtée soit par les mauvaises décisions de l’arbitre, soit par les maladresses et le manque de vitesse des nôtres. Mauriat dribble jusqu’à 40 mètres des buts écossais.
Enfin l’on croit à l’essai, nos trois quarts bien servis par Hedembaight et Burgun partent en passes, mais une mauvaise passe de Sentilles à Jaurreguy ramène de nouveau le ballon au centre du terrain. Une nouvelle attaque de l’aile tarbaise-toulousaine n’aboutit pas encore et la mi-temps est sifflée peu après.
Dès le début de la seconde partie du jeu les Français attaquent avec énergie. L’arbitre continue à siffler à tort et à travers des fautes invisibles pour tous les spectateurs. La situation par deux fois semble inespérée, et Burgun plaque Sutherland de magnifique façon, évitant ainsi un essai certain. Urne belle attaque de Jaurreguy est sur le point de réussir, mais l’excellent ailier est repris de vitesse par Stewart qui, ne l’oublions pas, est un des meilleurs sprinters au monde. Il s’est classé dans la finale du 200 mètres aux Jeux Olympiques de Stockholm.
Une passe adressée à Lane est de nouveau interceptée par Gordon qui prend de vitesse Jaurreguy et marque en bonne position. Turner transforme.
Écosse 13, France 3
Hedembaight bouclé, les avants écossais partent en passe et il est heureux que Milroy mette un pied en touche, sans quoi l’essai eût été certain. Puis, c’est Angus qui est admirablement cueilli par Sentilles. Turner, par un long coup de pied, amène le ballon à trois mètres de nos buts.
Les coups de pied pleuvent, et bien entendu ce sont toujours les nôtres qui sont pénalisés. Enfin voici une belle attaque bien ébauchée par Burgun ; mais Duffau passe dans le vide et trois Écossais arrivent en trompe, Abercombie, Gordon et Stewart se passent mutuellement le ballon, et ce dernier marque un quatrième essai.
Écosse 16, France 3
Burgun fait espérer par deux fois l’essai par de très beaux efforts personnels qui amènent le jeu sur nos 22. Il revient dans notre territoire par de puissants dribblings du pack écossais ; à la suite de l’un d’eux, Gordon marque un dernier essai que Turner transforme encore.
Ecosse 21, France 3
Le match se termine peu après cependant que la foule, de plus en plus houleuse, se livre aux manifestations dont nous parlons en page 2. – A. G.

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